Salut les blaireaux,
Voici en avant première la pièce courte destinée au festival "hors-cadre" organisé par les counta blabla de Nice les 30 et 31 mai prochain.
Bonne lecture, et n'oubliez jamais qu'on va la jouer comme des blaireaux !
OH LA LA MONSIEUR LE DIRECTEURLes personnages – indications vagues.
LE DIRECTEUR – Sûr de lui mais décontracté. Joué par Roland.
PLANTIN – Le héros de base. Il se pose des questions. Un rien pleurnichard. Cédric.
DAMANTIER – Alcoolique notoire. Ca tangue sur les pieds et toujours le smile. Adrien.
GOUMARD – Jovial. Le père de famille sympa. Lucas
FLAMBERT – Un rien aigri. Des problêmes de thune et de santé. Alex.
MAGDALENA – La voyante classique. Boule de cristal et accent à la con. Adrien.
LE PSY – Il parle dans sa barbe. Lucas.
Scène 1
LE DIRECTEUR – Ah, Plantin, je suis ravi de vous voir.
PLANTIN – Bonjour monsieur le directeur.
LE DIRECTEUR – Asseyez-vous. Je voulais justement vous féliciter, vos résultats ce trimestre ont été impressionnants. Vous avez le don pour les affaires, Plantin, réellement.
PLANTIN – Justement, je voulais vous entretenir de quelque chose.
LE DIRECTEUR – Vous voulez une augmentation ? C’est possible.
PLANTIN – Ce n’est pas tout à fait ça. J’ai le regret de vous annoncer que je compte quitter l’entreprise à la fin du mois.
LE DIRECTEUR – Comment ça ? C’est hors de question. Je comptais vous proposer le poste de Flambert.
PLANTIN – La direction des ventes ?
LE DIRECTEUR – Rien moins que ça.
PLANTIN – C’est une décision mûrement réfléchie, je compte m’installer en province avec ma femme.
LE DIRECTEUR – Votre femme préfèrera sans doute un mari qui a doublé son salaire à un apprenti paysan.
PLANTIN – Et Flambert, qu’en dit-il ?
LE DIRECTEUR – Il n’est pas au parfum.
PLANTIN – J’ai le temps de réfléchir ?
LE DIRECTEUR – Vous avez deux jours.
Scène 2
Plantin est au téléphone. Damantier est derrière lui.PLANTIN – Il me propose le poste de Flambert, et veut doubler mon salaire, qu’est-ce qu’on fait ? Je sais mon amour que Rodez c’est ton rêve, mais il faut peut-être y réfléchir à deux fois, quitte à repousser d’un an ou deux. Je ne sais pas quoi faire, je suis perdu.
Scène 3
Damantier et Goumard travaillent l’un à côté de l’autre sur leur ordinateur portable.GOUMARD – Bonjour Damantier
DAMANTIER – Salut Goumard. Tréboulet propose le poste de Flambert à Plantin.
GOUMARD – Oh la la ! Et qu’est-ce qu’il va décider pour Flambert ?
DAMANTIER – Ca sent la porte.
GOUMARD – Et à l’âge qu’il a, la reconversion sent le moisi.
DAMANTIER – D’autant qu’il est criblé de dettes.
GOUMARD – Sans compter les antécédents psychiatriques.
DAMANTIER – Cardiovasculaires.
GOUMARD – Neurosomatiques.
DAMANTIER – Psychodigestifs.
GOUMARD – Hypotalamocrépusculaires.
DAMANTIER – Métaflatuliques et polyanxiogènes.
GOUMARD – Il est dans la merde. Il faut le mettre au parfum.
DAMANTIER – Désodoriser.
GOUMARD – Hein ?
DAMANTIER – Mettre au parfum quelqu’un qui est dans la merde ça s’appelle désodoriser.
GOUMARD – Pas forcément. C’est plutôt lui faire sentir l’odeur de son caca. A lui d ‘en tirer les conséquences.
DAMANTIER – La chasse.
GOUMARD – Là je te suis. A lui de tirer la chasse.
DAMANTIER – D’autant qu’il perd sa place.
GOUMARD – T’es le meilleur Damantier. Je m’en charge.
Scène 4
GOUMARD – Bonjour Flambert.
FLAMBERT – Salut Goumard. Quoi de neuf ?
GOUMARD – Je viens pas qu’avec des bonnes nouvelles.
FLAMBERT – La stagiaire retourne à l’école ?
GOUMARD – Malheureusement… Mais ce n’est pas tout à fait ça…
FLAMBERT – Ton ficus est mort ?
GOUMARD – Oui. Mais il y a autre chose…
FLAMBERT – Ta fille redouble son CE1 ?
GOUMARD – Comment tu le sais ? Mais il y a quelque chose de plus grave…
FLAMBERT – Ils ont changé les stores malibu de la compta ?
GOUMARD – Arrête, tu vas me faire chialer…
FLAMBERT – Un ouragan a dévasté l’usine de Malaisie ?
GOUMARD – Tréboulet propose ton poste à Plantin.
FLAMBERT – Quoi ? Le fils de chacal !
GOUMARD – C’est pas sport.
FLAMBERT – Ouh le fumier…
GOUMARD – Désolé de te l’apprendre. Mais on a toujours aimé tes méthodes avec Damantier. Et Plantin on l’aime pas trop. Trop propre. Trop sélect.
FLAMBERT – Et Plantin, il accepte ?
GOUMARD – Ca m’étonnerait qu’il refuse…
FLAMBERT – Il va pas s’en tirer comme ça, c’est moi qui te le dit.
Scène 5
PLANTIN – Le dois-je ou ne le dois-je pas ? Dois-je écouter mon cœur ou mon portefeuille ? Mon cœur crie Rodez, ses collines rougeoyantes dans le couchant, ses agriculteurs accueillants, s’évertuant à combattre la politique européenne, l’invasion de la grande distribution, la mort du service public ? Ils ont besoin de résistants à leur côté, de véritables révolutionnaires, Plantin, c’est l’occasion pour toi de renouer avec les valeurs morales qui t’ont forgé ! Mais le portefeuille est là, qui veut s’engraisser, une nouvelle voiture qui me tend les bras, un lit à baldaquin pour agrémenter mes nuits avec Catherine, qui sait, un voilier à Saint Malo ?
J’ai besoin d’aide…
Scène 6
FLAMBERT – Bonjour Magdalena.
MAGDALENA - Que me vaut la venue d’Etienne Flambert ?
FLAMBERT - Il y a un drôle d’oiseau qui essaie de me piquer mon job.
MAGDALENA – C’est un geai.
FLAMBERT – Un geai ?
MAGDALENA – Oui, un geai. Ces oiseaux fondent sur les cultures la veille de la récolte pour tout dévorer en quelques heures. J’ai ce qu’il te faut.
FLAMBERT – Un philtre d’amour ?
MAGDALENA – Non.
FLAMBERT – Du cyanure ?
MAGDALENA – Non plus.
FLAMBERT – Un stylo bille ?
MAGDALENA – Toujours pas.
FLAMBERT – Du thé au jasmin ?
MAGDALENA – C’est une potion de découragement. A base de Popopopo. Avec ça, il n’aura plus le gout de vivre, et encore moins celui de reprendre ton poste. Glisse-lui dès que tu pourras.
FLAMBERT – Merci Magdalena.
MAGDALENA – De rien Flambert.
Scène 7
PLANTIN – Docteur, je suis devant un dilemme cornélien.
LE PSY – Vous êtes cocu ?
PLANTIN – Non, pourquoi ?
LE PSY – Cornélien… Les cornes… Ce n’est pas grave, continuez.
PLANTIN – J’hésite entre chiper le poste de mon supèrieur ou fuir à Rodez.
LE PSY – Le chapardage ou la fuite…
PLANTIN – Aucune des solutions ne me convient. Et Catherine… Je ne sais pas.
LE PSY – Comment ça se passe avec votre mère ?
PLANTIN – Catherine c’est ma femme.
LE PSY – Bien entendu. Comment ça se passe avec votre mère ?
PLANTIN – Ma mère est une hyppie qui vit en autarcie en forêt de Brocéliande. Elle élève des toilettes sèches et cultive des céramiques. Je l’admire. C’est la seule qui n’est pas fière de ma réussite.
LE PSY – Et votre père ?
PLANTIN – Mon père est mort d’un torticolis.
LE PSY – Pourquoi Rodez ?
PLANTIN – Dans Rodez, il y a road et il y a aise.
LE PSY – Kerouac ?
PLANTIN – Raphaël.
LE PSY – Prenez le poste de Flambert.
PLANTIN – Comment vous savez qu’il s’appelle Flambert ?
LE PSY – Vous pensez fort.
PLANTIN – Merci docteur.`
Scène 8
DAMANTIER – Bonjour monsieur le directeur.
LE DIRECTEUR – Salut Damantier. Un souci ?
DAMANTIER – Des bruits courrent monsieur le directeur…
LE DIRECTEUR – Qu’ils s’essoufflent…
DAMANTIER – Ils ont l’allure rapide…
LE DIRECTEUR – Coupez-leur les jambes…
DAMANTIER – Il existe des prothèses…
LE DIRECTEUR – Trève de plaisanteries, Damantier, venez-en au fait !
DAMANTIER – Vous voulez offrir le poste de Flambert à Plantin.
LE DIRECTEUR – C’est exact.
DAMANTIER – Je veux ce poste.
LE DIRECTEUR – Damantier vous n’êtes pas sérieux…
DAMANTIER – J’ai le profil. Les compétences. Les aptitudes. La motivation. Le « born to kill » !
LE DIRECTEUR – Ca suffit, Damantier, ça fait dix ans que vous êtes au marketing…
DAMANTIER – Mais je suis fait pour la vente, j’ai ça dans le sang…
LE DIRECTEUR – Ce que vous avez dans le sang en ce moment, Damantier, c’est de l’alcool !
DAMANTIER – C’est exact.
LE DIRECTEUR – Revenez quand vous aurez dessaoulé.
Scène 9 – le début du dénouement.
FLAMBERT – Salut Plantin, la forme ?
PLANTIN – Bonjour Flambert, et toi ?
FLAMBERT – En pleine forme ! Ma cousine a accouché, une petite coupe de champagne ?
PLANTIN – Heu, avec plaisir…
Plantin accepte la coupe de champagne. A ce moment-là le téléphone de Flambert sonne.FLAMBERT – Excuse-moi…
Il s’éloigne. Le directeur arrive.LE DIRECTEUR –
(pour lui) Il m’a donné envie de boire ce con…
(à Plantin) Ah ! Plantin !
PLANTIN – Monsieur le directeur…
LE DIRECTEUR – Alors ?
PLANTIN – J’accepte.
LE DIRECTEUR – MAGNIFIQUE !!!
Il arrache la coupe de champagne des mains de Plantin et la boit d’un trait.PLANTIN – Magnifique !
LE DIRECTEUR – Demain neuf heures dans mon bureau Plantin. Et en costume de responsable !
Scène 10 – la fin du dénouement
MAGDALENA – Le lendemain matin…
LE DIRECTEUR – Chers collègues, j’ai décidé de déposer le bilan. Tréboulet Corp a fini son existence. Vous serez licencié pour raison mélancolique sous quarante huit heures. Vous avez été de fidèles alliés dans la lutte pour le profit mais cette bataille est terminée. Je vais m’installer à Montauban construire des chèvres et fabriquer des amandiers.
DAMANTIER – Oh la la, monsieur le directeur, mais ce n’est pas possible !
LE DIRECTEUR – Ta gueule Damantier.
FLAMBERT – Mais heu…
GOUMARD – On va s’en sortir Flambert…
PLANTIN – Mais que va dire Catherine ?
DAMANTIER – Ta mère ?
PLANTIN – Ta gueule Damantier.
FIN